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Abus de majorité / Rupture d’égalité

⚖️ C.Cas, Civ. 3eme du 11 mai 2006 05-10.924

Faits et procédure

Le 9 juillet 2001, lors d’une Assemblée générale (AG), le syndicat des copropriétaires d’une copropriété située à Toulouse a autorisé certains copropriétaires à occuper, sans contrepartie, les emplacements de stationnement délimités dans la cour. L’AG, fonde sa décision sur des critères objectifs en réservant ce droit à des copropriétaires résidant à titre d’habitation ou à titre professionnel et disposant d’un nombre important de millièmes.

S’estimant lésés, les époux X… introduisent une action en justice contre le syndicat des copropriétaires en vue de l’annulation de la résolution.

Le 15 novembre 2004 La Cour d’Appel de Toulouse rend un arrêt déboutant les époux X… de leur demande au motif qu’ils n’étaient pas recevables à critiquer la décision celle-ci étant conforme à l’intérêt collectif. La Cour retient notamment que l’attribution de places de stationnement en nombre insuffisant effectuée en fonction de la qualité des copropriétaires et du nombre de millièmes de copropriété, ne constituait aucun abus de majorité.

Insatisfaits de cette décision, les époux X… se sont pourvoient en cassation.

Le problème de droit

La décision d’une AG de copropriété octroyant des emplacements de stationnement dans les parties communes à certains copropriétaires déterminés sans contrepartie pour les autres copropriétaires est-il constitutif d’une rupture d’égalité entr’eux ?

L’attribution d’emplacements de stationnement dans les parties communes d’une copropriété à ceux des copropriétaires qui détiennent les plus grand nombre de antièmes constituent-t-il un abus de majorité ?

La réponse du juge :

Le 11 mai 2006, la Haute juridiction dans un arrêt infirmatif au visa de l’ancien article 1382 du code civil (actuellement article 1240) et de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965  casse la décision de la Cour d’Appel au motif que la décision d’AG contestée entraîne bien une rupture d’égalité entre les copropriétaires dans la jouissance de leurs parties communes sans contrepartie pour les copropriétaires lésés.

En effet, selon l’arrêt de la Cour de cassation, les critères d’attribution mis en place par la décision d’AG écartent une partie des copropriétaires tandis que l’article 9, d’ordre public,  et plus précisément le premier alinéa du I.-, dispose que « chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ». En ce sens, une telle décision crée une distinction entre les copropriétaires, causant à certains d’entre eux un préjudice.

Par ailleurs, l’attribution des emplacements en fonction notamment du nombre de millièmes ne pouvait que vicier par un abus de majorité la prise de décision en favorisant les copropriétaires qui détenaient le plus de millièmes.

En outre, conformément à l’article 1240 du Code civil (ancien art. 1382), la Cour de Cassation rappelle que le préjudice doit être indemnisé par son auteur. Or, en l’espèce, le syndicat des copropriétaires n’avait prévu aucune contrepartie.

Sur ces bases,  la Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse et renvoie l’affaire devant la même Cour d’Appel autrement composée.

En conclusion, dans cet arrêt la Cour de Cassation considère qu’une décision d’AG qui attribue à certains copropriétaires les emplacements de stationnement dans la cour commune sans contrepartie pour les autres, rompt l’égalité entr’eux dans la jouissance des parties communes même si cette décision se fonde sur des critères objectifs et prédéterminés.

Peut-il être dégagé de cette jurisprudence un principe général ? La doctrine ne le pense pas et considère que chaque cas exige un examen in concreto.

Pour la portée plus pratique de cet arrêt, on retiendra que dans de pareils cas – une insuffisance de places de stationnement permettant de satisfaire l’ensemble des copropriétaires –, il est préférable de ne pas consentir un droit de stationner sur les parties communes pour éviter un potentiel contentieux.
Même si un droit sur les parties communes était consenti à certains copropriétaires avec une contrepartie, la question de la juste valeur de celle-ci risque d’ouvrir sur un autre type de contentieux.

ALIENATION DES PARTIES COMMUNES SPECIALES

⚖️ Civ. 3e, 1er juin 2022, FS-B, n° 21-16.232

Les faits et la procédure :

Le litige concerne un immeuble situé dans un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments et géré par la société Foncia. Ces bâtiments comportent tous des parties communes spéciales (c’est à dire des parties communes affectées à l’usage ou à l’utilité de plusieurs copropriétaires).

Dans l’un d’entr’eux, le bâtiment H., l’un des copropriétaires, Monsieur Y. a sollicité la cession d’une partie du couloir jouxtant son appartement. D’après les documents officiels de la copropriété ce morceau de couloir fait partie des “parties communes spéciales“. A la demande de Monsieur Y., le syndic a proposé au vote de l’Assemblée Générale (AG) tenue le 5 juillet 2016 et réunissant la totalité des copropriétaires de l’ensemble immobilier, deux résolutions autorisant cette cession et ses conséquences sous condition préalable d’une modification de l’état descriptif de division (EDD) et du règlement de copropriété (RC). Cette cession a été approuvée dans les conditions de majorité requises.

Deux copropriétaires, propriétaires de lots situés dans ce même bâtiment H ont alors assigné le syndicat des copropriétaires, le syndic gestionnaire et la société Foncia dont il dépend en annulation des deux résolutions et en paiement de dommages-intérêts. Leurs prétentions se fondent

  • sur l’art. 3 de   la loi du 10 juillet 1965 qui définit les parties communes comme étant celles “affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux“. Ils en déduisent que l’objet de la cession ne concernant que les copropriétaires du bâtiment H, la décision d’autoriser ou non la cession n’appartenait pas à la totalité des copropriétaires de l’ensemble immobilier (AG Plénière)  mais aux seuls copropriétaires du bâtiment H.
  • sur le fait que certaines des dispositions des résolutions votées impliquent une répartition du prix entre la totalité des copropriétaires de l’ensemble immobilier. Ce faisant, arguent-ils, les résolutions ont violé l’art. 16-1 de la  même loi qui stipule  que “Les sommes représentant le prix des parties communes cédées se divisent de plein droit entre les copropriétaires dans les lots desquels figuraient ces parties communes et proportionnellement à la quotité de ces parties afférentes à chaque lot. “
  • sur le fait  que l’AG en statuant à une majorité obtenue sans le consentement des requérants a violé l’art. 26 de la même loi, ainsi que l’art. 544 du code civil car,  en tout état de cause, l’AG ne saurait, à quelque majorité que ce soit, priver un copropriétaire d’une partie de ses droits sur les parties communes contenues dans son lot

Art. 26 loi 10 juillet 1965 :L’assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu’elles résultent du règlement de copropriété…

Art. 544 CC : … Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

La Cour d’Appel dans un arrêt rendu le 18 mars 2021, sans rependre la totalité des arguments avancés,  rejette leur demande d’annulation aux motifs

  • que la cession considérée, parce qu’elle est  subordonnée à la modification de l’EDD et du RC, suppose la création d’un nouveau lot avec les conséquences afférentes (affectation d’une quote-part des parties communes spéciales, d’une quote-part des parties communes générales et des charges afférentes) et exige donc l’approbation de l’ensemble de la collectivité.
  • que distinguer la question de la cession  qui ne relèverait que des seuls copropriétaires du bâtiment H. de la délicate question de la modification de l’EDD qui relève elle de la copropriété toute entière, reviendrait à faire dépendre la décision d’une AG plénière de la décision d’une assemblée restreinte.

Elle en conclut que  la cession des parties communes spéciales doit être soumise à l’approbation de l’ensemble des copropriétaires

Peu satisfaits des arguments avancés par la Cour d’appel et par le rejet de leur requête, les deux copropriétaires déboutés intentent un pourvoi devant la Haute Cour. Ils reprennent une partie des arguments précédemment avancés et notamment celui de la violation de l’art. 3 de la loi du 10 juillet 1965 pour affirmer devant la Cour  “que seuls les copropriétaires des parties communes spéciales qui en ont la propriété indivise, peuvent décider de leur aliénation ; qu’en jugeant que la résolution n° 28, et la résolution n° 29 subséquente, ayant pour objet la cession d’une partie du couloir du bâtiment H, avait été valablement votée par l’ensemble des copropriétaires de la résidence bien qu’elle ait, elle-même, relevé que le bâtiment H constituait une partie commune spéciale ce dont il résultait qu’une telle décision ne pouvait être votée que par les copropriétaires de ce bâtiment, la cour d’appel a violé l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965. »

La question de droit :

C’est celle de la compétence en matière d’aliénation des parties communes spéciales :

  • est-ce celle de l’ensemble du syndicat des copropriétaires réunis en AG plénière
  • ou est-ce celle, exclusive, des seuls propriétaires concernés du fait qu’ils sont eux aussi propriétaires d’une quote part de ces parties communes spéciales.

La réponse du juge :

La cour de cassation s’appuie à son tour sur l’art. 3 mais aussi l’art. 4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

Art. 3 : Sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux…..

…….
Art.4 : Les parties communes sont l’objet d’une propriété indivise entre l’ensemble des copropriétaires ou certains d’entre eux seulement ; selon le cas, elles sont générales ou spéciales. Leur administration et leur jouissance sont organisées conformément aux dispositions de la présente loi.

Elle en déduit que la Cour d’Appel par sa décision a violé  les deux articles pré-cités et réaffirme que seuls les propriétaires des parties communes spéciales peuvent décider de l’aliénation de celles-ci.

L’ACTION engagée contre le SYNDICAT des COPROPRIETAIRES suppose une ATTEINTE aux PARTIES COMMUNES …

⚖️ Civ. 3e, 10 sept. 2020, FS-P+B+I, n° 19-13.373

L’action engagée contre un syndicat des copropriétaires est irrecevable dès lors que le dommage invoqué trouve son origine dans des parties définies comme privatives dans le règlement de copropriété.

Les faits :

Les copropriétaires d’un immeuble géré selon le statut de la copropriété, et situé en limite de propriété avaient fait percer des fenêtres dans le mur de façade et dans la toiture du bâtiment. Ces travaux avaient été réalisés avec l’autorisation de l’Assemblée Générale.

Un voisin, propriétaire d’une maison d’habitation dont le terrain jouxtait l’immeuble reprochait à ces ouvertures de créer des vues droites chez lui, et considérait que les tablettes de ces ouvertures empiétaient en surplomb sur son terrain. Sur la base de ces arguments qui à ses dires constituaient un abus de droit, le propriétaire engagea une action contre le syndicat des copropriétaires.

La question de droit :

la question de l’abus de droit ne sera pas ici débattue. Seule la question de la responsabilité du syndicat des copropriétaires sera abordée sur la base d’une question simple : de quelles parties de l’immeuble le syndicat doit-il répondre ? En l’espèce les ouvertures réalisées doivent-elles être considérées comme parties privatives ou parties communes. Dès lors l’action engagée par le plaignant est-elle recevable.

La réponse du juge :

Pour répondre à cette question les juges ont procédé à une analyse minutieuse du Règlement de copropriété.

La juridiction dappel débouta le plaignant au motif que certes les ouvertures considérées avaient été réalisées dans le mur de la façade et dans la toiture de limmeuble qualifiés de parties communes dans le règlement de copropriété (RC), néanmoins les fenêtres, ouvertures diverses et tablettes figuraient, elles, dans la liste des parties privatives dans le même règlement. Sur cette base la Cour déclara irrecevable la requête du plaignant car ne pouvant être engagée contre le syndicat des copropriétaires responsable exclusivement de la gestion des parties communes. Le dommage soulevé par le voisin ne résultait pas dune partie commune ; il aurait fallu agir contre les copropriétaires ayant fait percer ces ouvertures litigieuses.

La Haute Cour fut alors saisie par le propriétaire éconduit sur la base d’un nouvel argument fondé sur les articles 14 et 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 stipulant que le syndicat a pour objet “la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes“ ce qui lui donne qualité pour veiller à la sauvegarde de ses droits. Pour le requérant, sans évoquer pour autant une faute, le syndicat en laissant se réaliser la construction des ouvertures litigieuses aurait donc failli à la défenses des droits de la copropriété.

La Cour de Cassation rejeta une nouvelle fois la demande. Elle rejeta notamment le nouveau moyen présenté par le plaignant en soulignant qu’il ne résultait « ni des conclusions ni de l’arrêt que [le propriétaire] ait soutenu que le syndicat des copropriétaires ait commis une faute en autorisant le percement des fenêtres et jours dans le mur et toiture ». Elle insista en revanche sur l’argument développé par la cour d’appel selon lequel les ouvertures litigieuses étaient définies comme privatives dans le RC bien que pratiquées dans le mur de façade et la toiture définies elles, comme parties communes. En conséquence « l’action ne pouvait être dirigée contre le syndicat des copropriétaires »

Nos Recommandations :

L’analyse de cette décision démontre l’importance du règlement de copropriété et l’intérêt qu’il y a à s’y référer prioritairement lors d’un conflit ou d’un problème d’interprétation. En effet le Règlement de copropriété prime toujours car il est le document contractuel formant la charte fédératrice de la copropriété.

Rappelons en outre l’importance qu’il y a à définir minutieusement dans tout RC les parties communes et privatives. En effet, si larticle 3 de la loi du 10 juillet 1965 propose une liste de parties communes, il n’en précise pas moins que cette énumération na vocation à être mise en œuvre que « dans le silence ou la contradiction des titres ». Ce qui revient à dire que ce nest que lorsque les documents de la copropriété sont muets ou ambigus sur la qualification d’un élément de limmeuble que les critères soit « d’usage ou dutilité » soit « d’usage exclusif » (art. 2) à un copropriétaire sont sollicités par les juges pour qualifier soit en partie commune, soit en partie privative l’élément litigieux.

LA GARANTIE de « PARFAIT ACHEVEMENT » : la notification des désordres est un préalable nécessaire à l’assignation …

⚖️ Civ. 3e, 15 avr. 2021, FS-P, n° 19-25.748

Une assignation en justice, même délivrée avant lexpiration du délai dun an prévu à l’article 1792-6 du code civil, ne peut tenir lieu de la notification préalable à l’entrepreneur des désordres apparus postérieurement à la réception. 

Les faits :

Monsieur et Mme “Z“ se portent acquéreurs d’un logement neuf dans un immeuble collectif d’habitation pour lequel la réception des travaux est intervenue le 6 novembre 2014. Ils constatent très rapidement que le parquet de ce logement est exceptionnellement fragile et manifestement inadapté à des lieux de vie. Ils se tournent vers le Maître d’Ouvrage (MO) qui le 24 juillet 2015 assigne l’entrepreneur. Les moyens qui fondent l’assignation en justice sont doubles :

les désordres sont intervenus certes après la réception des travaux mais moins d’un an après celle-ci (art. 1792-6 CC)

l’entrepreneur a engagé sa responsabilité contractuelle en n’assurant pas sa mission de conseil auprès du MO à qui il aurait du signaler la fragilité du parquet posé et son inadaptation à l’utilisation envisagée.



Les questions de droit :

1 – L’assignation en justice pour désordres survenus et constatés avant l’expiration du délai d’un an prévu part l’art. 1792-6 vaut-elle notification des désordres considérés ?

2 – Le constructeur est-il tenu d’une obligation de conseil auprès du MO ?



Les réponses du juge :

Sur le premier moyen :

Dans un premier temps la Cour d’Appel saisie rejette les prétentions du MO au motif que les désordres n’ont pas été spécifiquement notifiés au constructeur préalablement à l’assignation.

Le MO décide alors de se pourvoir en cassation en argumentant que lassignation a été délivrée dans l’année qui a suivi la réception des travaux, et quune assignation en justice vaut notification à son destinataire des prétentions qui y sont formulées.

La Haute Cour confirme la décision de la Cour d’appel en précisant “qu’en l’absence de notification préalable à l’entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception, une assignation, même délivrée avant l’expiration du délai d’un an prévu à l’article 1792-6 du code civil, ne peut suppléer…“

Sur le second moyen :

La Cour d’Appel rejette la demande au motif qu’étant donné qu’aucun défaut de pose ou d’exécution n’’était imputable à l’entrepreneur, il était de la responsabilité exclusive du MO de choisir les matériaux utilisés.

La Cour de Cassation censure la décision de la Cour d’Appel en reconnaissant la responsabilité de l’entrepreneur pour manquement à son obligation de conseil. En effet il est de jurisprudence constante qu’une obligation d’information et de conseil incombe à tout installateur de matériaux ; celui-ci doit attirer l’attention du MO sur les inconvénients des produits choisis compte tenu de l’usage auquel ils sont destinés (Civ. 1re, 20 juin 1995, n° 93-15.801, D. 1996. 12). Ce nest que lorsque le MO a les compétences suffisantes pour apprécier les propriétés du matériaux ou des procédés ou quil a délibérément accepté les risques, que le constructeur est exonéré de sa responsabilité. Mais cela suppose que lentrepreneur ait délivré une complète information et lait mis en garde (Civ. 1re, 21 janv. 1997, n° 94-19.380, RDI 1997. 240)



Nos Recommandations et Rappels  :

Rappel du fonctionnement de la “garantie de parfait achèvement“ :

A la fin d’un chantier, le Maître d’Ouvrage (MO) procède à la réception des travaux en présence du Maître d’oeuvre (entrepreneur ou artisan).

* Si rien d’anormal n’est relevé, les parties dressent un procès-verbal de réception. A cette date s’ouvre la “garantie de parfait achèvement“ (art. 1792-6 cc), qui impose à l’entreprise qui a réalisé les travaux de réparer tous les désordres susceptibles d’être signalés au cours de l’année qui suit la réception.

* Si lors de la réception des travaux sont constatés des désordres apparents dans la construction, ceux-ci devront être mentionnés dans le procès verbal de réception. C’est ce que l’on appelle les “réserves“. Les deux parties conviennent alors des modalités de reprise des désordres et notamment du délai dans lequel les réparations devront être effectuées. Si ce délai n’est pas respecté, le MO pourra saisir le tribunal judiciaire pour obtenir réparation. Il peut aussi, après mise en demeure demeurée infructueuse, faire exécuter les travaux par une autre entreprise, aux frais et risques de lentrepreneur défaillant. Les travaux de remise en ordre pourront être effectués au delà du délai de 1 an.

* Si au cours de l’année qui suit la réception des travaux apparaissent des désordres non signalés précédemment, le MO devra les notifier (LRAR) à l’entrepreneur. Cette notification et la reconnaissance par l’entrepreneur de sa responsabilité dans les désordres survenus et notifiés, suspendent le délai de forclusion initial et ouvre un nouveau délai d’un an. Les travaux de remise en ordre pourront être effectués au delà du délai de 1 an.

Au delà de l’année au cours de laquelle court la garantie de parfait achèvement, tout signalement de désordre, toute action à l’encontre du constructeur fondée sur des désordres constatés trop tard serait irrecevable.

Remarque :

Attention à ne pas confondre :  » Réception  » et  » Livraison  »

– La  » Réception »  des Lots se fait entre le Maître d’Ouvrage ( MO ) et les  » Entreprises ou Maître d’Oeuvre  » qui ont effectués les travaux

– La  » Livraison  » des Lots se fait entre le Maître d’Ouvrage ( MO ) et les  » Copropriétaires  »

Assemblée Générale – Contrat de syndic – Vote des travaux – Durée du mandat des conseillers syndicaux …..

⚖️Civ.3°, 9 sept. 2021, C 20-11.743

  • Le contrat de syndic ne peut être conclu qu’entre le syndic et le syndicat des copropriétaires.

  • La propagation du contrat de syndic doit être votée au cours de l’AG décidant de son renouvellement

  • Chaque résolution d’Assemblée Générale ne peut avoir qu’un seul objet

  • Le rappel de travaux précédemment approuvés à l’article 25, mais non réalisés au jour d’une AG suivante doit respecter la procédure de mise en concurrence de plusieurs devis et contrats ainsi que la procédure prévue à l’art. 19 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967

  • Le mandat des conseillers syndicaux prend fin au terme exact pour lequel ils ont été désignés

  • LES FAITS

Le 6 septembre 2012, le syndic “société d’études et de gestion immobilière “ alias “SEGIM“ tient l’assemblée générale (AG) annuelle de la copropriété “Les Bruyères II“ dont il est mandataire.

Au cours de cette AG, plusieurs décisions sont votées notamment le renouvellement du contrat de syndic et les questions afférentes : élection du syndic, prolongation éventuelle du mandat, honoraires … (résolution n°7) ; la réalisation de travaux (résolution n° 23). Enfin, comme il est de tradition des mandats de représentation, nominatifs, représentent certains copropriétaires empêchés et désireux d’être représentés.

Suite à la tenue de cette AG, Monsieur (N.) copropriétaire assigne le syndicat des copropriétaires ainsi que le syndic en annulation des résolutions n° 7 et 23 et en annulation de l’AG pour non respect des règles relatives à la validité des mandats.

  • Les prétentions du requérant se fondent sur plusieurs arguments :

    • La résolution n° 7 qui acte la désignation du syndic est de rédaction maladroite, et confuse : elle rassemble plusieurs objets pour une seule mise au vote : l’élection du syndic, l’approbation de son contrat, celle de sa rémunération, la prorogation éventuelle de son contrat… . En outre la rédaction de cette résolution fait apparaître les copropriétaires comme signataires à titre individuel du contrat de syndic ce qui est illégal.
    • La résolution n° 23 relative aux votes de travaux est contestée au motif que, ces travaux, déjà approuvés lors de l’AG du 6 janvier 2010 mais non encore réalisés lors de l’AG du 6 septembre 2012 auraient dû venir à concours avec des devis concurrents et être soumis à la procédure des votes successifs telle que prévue à l’article 19 du décret du 17 mars 1967.
    • Quant au mandat de représentation donné au “ Président du conseil syndical(CS) “, Monsieur (C.), il est invalide. En effet les conseillers syndicaux, élus lors de l’AG tenue le 20 juin 2010 pour un mandat allant du 21 juin 2010 au 30 juin 2012, et leur mandat n’ayant pas été renouvelé depuis, le pouvoir confié au “président du CS“ doit être considéré comme nul, le mandataire ne répondant plus dès lors aux conditions de sa désignation.

LES QUESTIONS DE DROIT

L’affaire occupera la justice pendant près de 10 ans. Elle fera l’objet de plusieurs recours dont 2 en cassation. Les arguments avancés par le requérant et les différentes cours d’appel font apparaître plusieurs questions de droit qui seront tranchés par le juge de la Haute Cour

  • La première concerne la question de savoir qui est partie au contrat de syndic. Est-ce le syndicat des copropriétaires en tant que personne morale de droit privé, ou bien chacun des copropriétaires composant le syndicat.

  • La seconde est relative à la désignation du syndic et à la prorogation de son mandat. En cas de majorité insuffisante pour la désignation du syndic la question de la prorogation de son mandat peut-elle être tranchée par une autre AG que celle connaissant du renouvellement de celui-ci.

  • La troisième a trait à la rédaction des résolutions d’une AG. Une seule résolution peut-elle avoir plusieurs objets : en l’espèce l’élection du syndic, l’approbation de son contrat, celle de sa rémunération, l’éventuelle prorogation de son contrat…

  • La quatrième pose la question de la durée du mandat des conseillers syndicaux. Elus par l’AG pour 3 ans maximum, à la majorité de l’article 25, les conseillers sont-ils investis pour un mandat limitativement défini, c’est à dire de date à date, ou bien peut-on considérer que ce mandat prend fin seulement lors de la désignation des successeurs, y compris si cette désignation s’effectue au-delà de l’achèvement du mandat des prédécesseurs.

  • La cinquième concerne les modalités de vote des travaux. Antérieurement votés mais non réalisés lors de la tenue d’une AG suivante leur vote doit-il respecter la procédure habituelle à savoir mise en concurrence avec d’autres devis et vote sur la base de l’article 25 pour chacun des devis proposés. Puis, éventuellement recours à un second vote à l’article 24 pour les propositions qui ont obtenu la majorité requise pour bénéficier de “la passerelle“. Ou bien peuvent-ils faire l’objet d’un simple rappel.

LES RÉPONSES DU JUGE :

Question 1 : – Une résolution stipulant que parce que le contrat de syndic est opposable aux copropriétaires, ceux-ci y adhérent individuellement , revient à les rendre partie à ce contrat. Cette affirmation est illicite car contrevenant aux art. 18 et 18-1 de la loi 65-557 du 10 Juillet 1965, et à l’art. 29 du décret 67-223 du 17 mars 1967. De plus une telle interprétation viole le principe de la liberté contractuelle (nul ne peut être forcé d’adhérer à un contrat) posé par l’art. 1102 du code civil

Question 2 : – En cas de défaut d’obtention d’une majorité suffisante pour le renouvellement du contrat de syndic, la question de la prorogation de ce mandat doit être tranchée par l’AG connaissant du renouvellement

Question 3 : – Chaque résolution soumise à une AG ne peut avoir qu’un seul objet

Question 4 : – Le juge rappelle les termes de l’article 22 du décret du 17 mars 1967 : “Le mandat des membres du conseil syndical ne peut excéder trois années renouvelables“. Il précise que, passé ce délai, les conseillers ne sont plus membres du conseil sauf à ce que leurs fonctions soient renouvelés. ; qu’en l’espèce enfin, le pouvoir confié au“président du CS“ lors de l’AG du 6 septembre 2012 alors que son mandat était expiré et n’avait pas été renouvelé, doit être considéré comme nul.

Question 5 : – Le fait que les travaux bien qu’approuvés lors d’une AG précédente n’aient pas été réalisés ne dispense en rien du respect de la procédure prévue à l’article 19 du décret du 17 mars 1967 à savoir la mise en concurrence de ces travaux avec d’autres contrat et devis, le vote sur chacune des propositions, et l’utilisation de la procédure dite de “la passerelle“ pour ceux des contrats ayant obtenu la majorité requise .