L’action oblique du syndicat des copropriétaires

C.Cas. 3°civ, 14 novembre 1985, n° 84-15.577

 

DÉFINITION DE L’ACTION OBLIQUE :

Il s’agit d’une action exercée par un créancier à l’encontre d’un débiteur de son débiteur afin de pallier l’inertie du débiteur qui compromet les droits du créancier (article 1341-1 du Code civil). Le créancier exerce les droits et actions du débiteur pour le compte de ce dernier.

En cas de carence d’un copropriétaire bailleur, le syndicat des copropriétaires a le droit d’exercer l’action en résiliation du bail dès lors que le locataire contrevient aux obligations découlant de celui-ci et que ses agissements qui causent un préjudice aux autres copropriétaires sont en outre contraires au règlement de copropriété.

LES FAITS :
Deux copropriétaires, Mme X et M. A ont donné à bail à la société ANLO plusieurs locaux à usage commercial et d’habitation dans un immeuble soumis au statut de la copropriété.

Sans aucune autorisation ni des bailleurs, ni de l’Assemblée Générale de la copropriété, la société locataire a transformé un local à usage d’habitation en cuisine de restaurant. Cette société a de plus exercé son activité commerciale dans des conditions qui nuisent à la tranquillité des copropriétaires.
Les bailleurs plusieurs fois alertés, n’ont pu obtenir qu’il soit mis fin à ces agissements. Dès lors le syndicat des copropriétaires a assigné la société ANLO et son liquidateur en résiliation du contrat de bail et expulsion.

La Cour d’Appel de Paris ayant fait droit à ces demandes (CA Paris, 12 juin 1984), la société ANLO et son liquidateur introduisent un pourvoi

LES QUESTIONS DE DROIT :
1 – Le syndicat des  copropriétaires peut-il agir en résiliation du contrat de bail alors qu’aucun lien de droit direct n’existe entre le syndicat et la société ANLO, locataire d’un lot constituant une partie privative. Le seul lien de droit existant est le contrat conclu entre les propriétaires bailleurs et la société locataire. cf. l’art. 1134 CC. “Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise“
2 – Le règlement de copropriété est-il opposable aux locataires ?

LA RÉPONSE DU JUGE :

1 – Aux termes de l’art. 1166 CC (rédaction 1804) “…les créanciers peuvent exercer les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux exclusivement attachés à la personne.“

2 – Chaque copropriétaire est responsable des agissements de ses locataires. Dès lors à partir du moment où les agissements des locataires causent préjudice aux autres copropriétaires, le fait pour le propriétaire de ne pouvoir parvenir à faire cesser les troubles constitue bien une carence légitimant le syndicat des copropriétaires à exercer l’action en résiliation du bail

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016  a réglé cette question en créant un art. 1341-1 qui stipule :
“Lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne.“

On retiendra  que lorsque le copropriétaire est défaillant, la justice a reconnu la possibilité pour le syndicat des copropriétaires d’agir en justice sur la base de l’action oblique en de nombreuses affaires :

  • Pour expulser des squatters (CA Paris, 6° ch., C, 20 juin 2020, n° 1999/09131)

  • Contre le locataire d’un bailleur auteur de troubles de voisinage ( CA Paris, 16°ch., sect.B, 22 février 2007, n° 06/00147)

  • Pour demander la résiliation d’un bail en cas de violation du règlement de copropriété (C.Cas.3° civ., 22 juin 2005, N° 04-12.540 ; C.Cas., 3° civ., 22 juin 2005, n°04-12540 ; C.Cas., 3° civ.8 avril 2021, n° J 20-18.327)