Respect de l’obligation de mise en concurrence

⚖️ Civ. 3e, 9 mars 2022, FS-B, n° 21-12.658

La mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats autres que le contrat de syndic impose que lorsque plusieurs devis ont été notifiés ils soient soumis au vote de l’assemblée générale. La seule communication des devis ne suffit pas.

Les faits :

Dans la perspective de la réunion d’une Assemblée Générale (AG) le syndic avait notifié aux copropriétaires, dans la convocation qu’il leur avait adressée, plusieurs devis relatifs à la réalisation de travaux de ravalement de façade.

Lors de la tenue de l’AG un seul devis est mis au vote, celui retenu par l’architecte. La résolution est adoptée.

L’un des copropriétaires saisit le Tribunal pour annulation de la résolution en question au motif que seul le devis de l’architecte avait été mis au vote alors que d’autres devis avaient été notifiés.

La question de droit :

Elle est ici très simple. C’est celle de savoir si le fait de notifier divers devis aux copropriétaires lors de la convocation à l’AG, vaut ou non mise en concurrence

La réponse du juge :

La loi de 1965, puis le décret de 1967 posent en ce domaine plusieurs règles.

La loi du  n° 65-557 du 10 juillet 1965 stipule  en son article 21, al. 2 : L’assemblée générale des copropriétaires, statuant à la majorité de l’article 25, arrête un montant des marchés et des contrats à partir duquel la consultation du conseil syndical est rendue obligatoire. A la même majorité, elle arrête un montant des marchés et des contrats autres que celui de syndic à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire.

Le décret du 17 mars 1967 complète ces dispositions pour le cas où l’AG n’aurait pas fait le choix de fixer un seuil de déclenchement de la procédure de mise en concurrence en prévoyant dans un  art. 19-2  : “La mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats autres que le contrat de syndic, prévue par le deuxième alinéa de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, lorsque l’assemblée générale n’en a pas fixé les conditions, résulte de la demande de plusieurs devis ou de l’établissement d’un devis descriptif soumis à l’évaluation de plusieurs entreprises.

Ces textes donneront lieu à plusieurs interprétations.

  • En appel, le juge refusera l’argument du plaignant au motif que la convocation à l’AG comportait bien plusieurs devis ; que cette communication  avait permis aux copropriétaires de s’informer largement, de comparer les prestations proposées et donc de se prononcer en parfaite connaissance de cause sur le seul devis soumis in fine à leur vote. Pour lui la notification des devis valait mise en concurrence.

Insatisfait par la décision d’appel le plaignant décida de saisir la Haute Cour.

  • Celle-ci fit droit à sa demande en cassant la décision rendue en appel. Elle précisa en effet que la mise en concurrence ne « résulte » pas de la demande de plusieurs devis, mais est seulement entamée par cette démarche. La sollicitation de plusieurs devis relève de la demande de mise en concurrence. Elle ne saurait constituer la mise en concurrence elle-même. Sans doute le maître d’œuvre pourra-t-il le moment venu exprimer sa préférence et les raisons qui l’animent afin d’éclairer les copropriétaires mais, il ne saurait décider à leur place en choisissant, avec le syndic,  de ne soumettre qu’un seul devis au vote de l’AG.  En l’espèce que le maître d’œuvre (l’architecte) ait procédé à la comparaison et à l’appréciation des divers devis pour en sélectionner finalement un, ne constitue pas une réelle mise en concurrence. L’admettre serait priver l’AG de ses prérogatives décisionnelles et souveraines.