LES « DARK-STORES » NE CORRESPONDENT PAS À UNE ACTIVITÉ DE COMMERCE

Ces lignes sont partiellement extraites de la « lettre du service public » n° 1107 du 30 mars 2023

⚖️  Conseil d’État, 23 mars 2023, 468360, Publié au recueil Lebon

Les locaux où sont stockés des produits destinés à la livraison, aussi appelés « dark stores », correspondent à une activité relevant de la destination « Entrepôt » et non « commerce et activités de service ». C’est ce que le Conseil d’État a posé dans une décision rendue le 23 mars 2023.

Les faits :

Deux sociétés de livraison rapide utilisaient des locaux anciennement affectés à la vente directe pour réceptionner et stoker ponctuellement des marchandises avant leur livraison.

La mairie de Paris a mis en demeure ces 2 sociétés de livraison rapide de restituer dans leur état d’origine certains de leurs locaux au motif que ceux-ci avaient changé de destination sans déclaration préalable. Les 2 sociétés ont saisi le juge des référés du tribunal de Paris afin de contester ces décisions.

Le problème de droit :

le changement de destination d’un bien est-il laissé à la discrétion de son utilisateur ou doit-il respecter les règles locales et faire l’objet d’une déclaration et d’une autorisation préalable ?

La décision du juge :

Le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu les décisions prises par la mairie de Paris. Il a jugé que les locaux correspondaient à un espace de logistique urbaine au sens du règlement du plan local d’urbanisme de la ville de Paris. La mairie de Paris s’est pourvue en cassation.

Le Conseil d’État a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris au motif que l’occupation des locaux par les 2 sociétés ne correspondait pas à une logique de logistique urbaine mais à une activité relevant de la destination « Entrepôt ». Il y avait donc un changement de destination illégal des locaux aux adresses concernées puisque le règlement du plan local d’urbanisme de Paris interdit la transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue.

Conclusion :

Plus généralement, et dans les villes de taille importante, on voit fleurir ces activités de livraison à domicile de divers produits à partir notamment de locaux de stockage situés en raz de chaussée d’immeubles. Le phénomène a été déjà évoqué en ces pages dans un de nos récents articles.

Rappelons ici que :

1 – La transformation d’un local, garage ou espace vacant en dark-store ou dark-kitchen est illégale car elle change la destination de l’immeuble.  Pour ce faire l’impétrant doit obtenir l’aval de l’Assemblée Générale  des copropriétaires (vote à l’unanimité) ainsi que l’autorisation de la mairie 

2 – Que la copropriété dispose de plusieurs recours pour empêcher ou faire cesser une telle activité

Plusieurs cas :

* Le règlement de copropriété (RC) comporte une clause “d’habitation bourgeoise exclusive “. Une telle clause exclut toute possibilité d’activité commerciale et réserve les locaux à une occupation locative .

* Le RC comporte une “clause d’habitation bourgeoise ordinaire“ (ce qui est le cas le plus fréquent). Une telle clause autorise l’installation de professions libérales mais interdit les commerces de détail ou les entrepôts

* Le RC contient une clause autorisant l’activité commerciale. Celle-ci doit décrire de manière très précise l’immeuble, sa situation géographique et les activités commerciales autorisées. C’est sur la base de ces informations qu’il faudra s’appuyer pour exclure ou empêcher de s’installer une activité de dark-store ou de dark-kitchen

* Le RC peut autoriser une activité commerciale sans précision. Toutefois une activité commerciale n’étant pas un entrepôt, tout dépendra de la qualification de ces locaux : sont-ils des commerces ou simplement des entrepôts ? Si la qualification d’entrepôt devait être retenue (ce qui semble être le cas suite aux débats et aux échanges entretenus depuis le mois de juillet entre les entreprises concernées et les pouvoirs publics) l’installation d’un dark-store ou d’une dark-kitchen changerait la destination de l’immeuble. et serait dès lors illégale. Seule une modification du RC pourrait permettre l’installation et le développement de telles activités